Penser à l’après…
Ce lundi 27 avril, les coiffeurs peuvent ouvrir à nouveau et sont à la fois soulagés mais inquiets pour leur santé… lis-t-on dans la presse. La faîtière « Coiffure Suisse » confirme les sentiments mitigés : « On est toujours dans l’attente de directives concrètes d la part de la Confédération. » On passe de la permanence à l’inconnu. À l’opposé, des voix s’élèvent pour dire que le remède a été pire que le mal. Que ce n’était «qu’une» nouvelle grippe.

Fallait-il confiner et arrêter l’économie, pour autant ? Singapour et la Grande- Bretagne qui ont, dans un premier temps, fait le pari d’atteindre l’immunité collective, en laissant le virus se propager, se sont finalement résignés au confinement. La Grande-Bretagne comptabilise déjà 20’000 décès. Quant à la Suède qui n’a pas confiné elle a le double de décès de la Suisse pour une population de taille quasi comparable.
Quel seuil de décès acceptons-nous dans la balance «santé – économie » telle est la question de fond. On ajoutera que les statistiques et la manière de comptabiliser sont propres à chaqu État. Par contre, l’argument que cela ne touche « que » les personnes âgées ne tient pas la distance. L’argument est regrettable. Il est balayé d’un revers de main en terme d’utilité économique. Pour ne parler que de ça. Les troisièmes et quatrièmes âges sont non seulement des consommateurs mais sont aussi de grands stabilisateurs dans nos sociétés. Leurs apports économiques et moraux sont inestimables. Les thèses sur la question ne manquent pas. Voir la thèse de Solène Billaud, Ecole des hautes études en sciences sociales, à Paris (EHESS).

Après le krach boursier de mars, le « ouf » !
Les marchés financiers ont stoppé l’hémorragie et ils se sont stabilisés. Ils ont réduit une partie des pertes. Les annonces de plans de sauvetage étatiques sont précédent pour affronter cette crise nommée par le Fonds monétaire international (FMI) « Le Grand confinement » ont permis d’éviter une catastrophe boursière qui nous aurait peut-être ramené au plus bas du début de « La Grande Dépression » de 2007 – 2012.
Pour autant, les baisses ne sont pas terminées. Après avoir circonscrit le sinistre il faudra reconstruire. Des ajustements vont se faire. Cela se fera dans l’espace comme dans le temps. Avec des phases de stress accompagnées d’une recrudescence de la volatilité alternées de périodes de calme et de reconstruction. Si la crise des « subprimes » a débuté aux États- Unis en 2006 les plus bas sur les marchés n’ont été atteints qu’en février 2009. On se rappelle les plus hauts boursiers atteints en mars 2000, lors de la bulle Internet, pour ensuite chuter jusqu’en mars 2003 et le début de la guerre en Irak. Ce que l’on a appelé le krach rampant.
Après des faillites retentissantes de Enron, de Worldcom ou encore de Swissair, pour ne nommer que celles-ci, et les attentats du mardi 11 septembre 2001. On peut aussi espérer un scénario à la 2011 où là, alors que tout semblait fonctionner, à l’image de janvier dernier, un tsunami et une catastrophe nucléaire sans précédent au Japon transformèrent l’année en une débâcle boursière se ponctuant avec la perte de la notation triple AAA sur la dette des États-Unis et sur celle de l’archipel nippon… une première historique !
De plus, 2011 succédait à un une année 2010 difficile avec la crise de l’euro et des dettes souveraines soumises à de graves difficultés. On pense au Portugal, à l’Irlande – nommé alors le Tigre celtique – et surtout à la Grèce et à son défaut de paiement partiel (- 70%).
Bref, le Swiss Market Index (SMI) est à nouveau à son niveau de 2006 ! En attendant, des dividendes ont été versés durant 14 ans.
À présent, il s’agit d’identifier les courants porteurs de demain… *
Lors de chaque « méga crise », des pans entiers de l’économie ne se redressent pas. Il se produit une rupture entre un ancien et un nouveau paradigme. La dernière décennie n’a profité ni à l’industrie automobile traditionnelle, ni à nos grandes banques – les cours boursiers en témoignent – ni aux assurances, ni à l’industrie lourde et encore moins aux matières premières qui n’ont cessé de boire la tasse.

L’exemple avec le platine qui devait profiter des pots d’échappement à catalyseur = 50% de la demande mondiale de platine, alors que la production automobile n’a jamais retrouvé son niveau d’avant la crise 2007 – 2012. Et le marché s’inscrit dans l’adoption du moteur électrique. On est plus intelligent après. Tant que l’on ne découvre pas une nouvelle application industrielle pour le platine, son cours ne se redressera pas durablement. Quant au pétrole, on retrouve son cours aux niveaux des plus bas de 1999. Cette année, le Brent a chuté de 71.75 à 15.98 dollars. On est loin des 147.50 dollars atteints en juillet 2008.
La surabondance d’or noir provoquée par la pandémie ne se résorbera pas avant l’automne, dans le meilleur des scénarios. La demande se résume à près de 50% pour le transport routier; 8% pour l’aviation commerciale et 7% pour la navigation. Beaucoup dépendra tant de la profondeur que de la durée de la récession dans laquelle nous a précipité le Covid-19. Ou plutôt l’arrêt ordonné de l’économie. Concernant le transport aérien, il faudra s’attendre à de nouveaux contrôles des voyageurs au passage des frontières : la prise de température et l’évaluation de leur état de santé. Comme après les attentats du 11 septembre et normes anti-terroristes, on s’y habituera mais cela prendra du temps. Pour autant, les avionneurs tels que Airbus et Boeing ne sont pas en danger. Ces entreprises sont stratégiques et sont soutenues par les États français et allemand pour la première et par Washington pour la seconde. Toutefois, des équipementiers tels que Safran, Thales, Alliant, Honeywell et d’autres souffriront d’avantage.
Les tendances de fond ou encore les courants porteurs sont à identifier dans le paysage du télétravail et de la télé médecine. Soit l’Internet des objets; l’Intelligence artificielle (IA) et la sécurité des réseaux. Si les deux derniers avaient déjà le vent en poupe, le premier sera vite confronté à un vif débat sur la 5G. Il sera politique, économique et sanitaire avec l’appréhension des risques fantômes. C’est-à-dire, des incidences à terme pour notre santé. Que l’on ne peut exclure aujourd’hui. Nous n’avons ni l’expérience ni le recul nécessaire pour estimer les conséquences. Le commerce en ligne, avec à sa tête la multinationale Amazon qui vient de démontrer, une fois de plus, sa solidité, va poursuivre sa croissance. On l’a vu nous demeurons à l’écart des matières premières qui font tant souffrir. Elles ont été remplacées par le savoir et le data. À savoir tout ce que nous indiquons sur nous et sur nos connaissances au quotidien. Nos informations personnelles cumulées au savoir collectif. Cela se monétise. Les GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – s’enrichissent dessus. Les devises des pays dont l’économie est particulièrement exposée aux matières premières telles que le dollar australien ou le dollar canadien sont à éviter. On demeurera à l’écart de l’immobilier commercial, des banques, du tourisme qui est à l’arrêt forcé et d’une multitude de fournisseurs lourdement endettés qui gravitent autour de l’industrie pétrolière et de l’automobile. Nous éviterons le secteur de l’énergie comme des médias. De nouvelles secousses boursières vont resurgir – réajustements incontournables en phase d’entrée en récession. Nous en profiterons pour nous repositionner. Être dans le rail du monde d’après.
La durabilité sera une constante. Mais aussi l’éthique et le socialement responsable. Le modèle économique actuel qui est linéaire : prendre; fabriquer; consommer et jeter n’est plus approprié. Il ne cessera de nous conduire dans le mur. On appelle de nos vœux une économie circulaire : diminuer; réemployer; réutiliser et recycler. Les infrastructures demeurent toujours une tendance de fond comme l’approvisionnement et le traitement de l’eau. Ce sont la colonne vertébrale de notre économie. Investir dans les besoins fondamentaux de l’être humain. Les plans de relances budgétaires soutiendront ces thématiques. On pense, entre autres, à des sociétés comme Siemens, ABB, Bombardier – le ferroviaire est sous-investi à l’échelle mondiale, il reste beaucoup à faire, Geberit, Vinci, Veolia, Suez ou encore AMS suite à son rachat de Osram (infrastructure sociale / éclairage public). On veillera à l’exposition à l’Asie où 6 personnes sur 10 y vivent. La transition énergétique reste incontournable.
Quand le célèbre investisseur Warren Buffett dit que « cette fois, c’est différent » sont les mots les plus coûteux de l’histoire de l’investissement il a probablement raison. Cette fois, ce n’est pas différent ! Après « La Grande Dépression » de 1929 – 1939, « La Grande Récession » de 2007 – 2012, on sortira également de la crise « Le Grand Confinement » de 2020 à ?
Reste à savoir comment, dans quel état et qui seront les gagnants et les perdants.
*Il n’est pas question de recommandations à l’achat