L’analyse économique
Philippe Paoly, économiste, enseignant, auteur et gérant.
L’heure est à l’urgence sanitaire, et pour beaucoup l’économie n’est pas forcément la priorité du jour. Toutefois, d’autres s’inquiètent tant pour leur entreprise que pour leur emploi.
Le Conseil fédéral estime actuellement que notre économie fonctionne à 80% de ses capacités. Les mesures prises en soutien aux PME nous semblent adaptées. Les possibilités de crédits représentent, sous réserve, plus d’un mois d’activité. Une entreprise à trois principaux types de coûts : un coût variable représenté par les marchandises ou prestations destinées à la vente, le coût du travail représenté par les salaires et les charges sociales, et des coûts fixes représentant des coûts structurels (loyer, leasing de machines, etc.). Les coûts variables étant par définition proportionnels au chiffre d’affaires, ils peuvent être pour l’essentiel exclu du raisonnement, et une PME sans activité doit faire face principalement au coût du travail et des coûts fixes, et c’est la proportion entre les deux qui est alors déterminante dès lors que l’on intègre les mesures de chômage partiel. Approximativement pour des coûts variables au tiers des ventes (hypothèse), si le coût du travail représentait l’équivalent des coûts fixes, l’entreprise peut tenir 2 mois grâce à l’aide fédérale. Si c’est le double, 3 bons mois. Si par contre c’est la moitié, c’est alors moins de 2 mois.
Au niveau fédéral, l’essentiel des mesures de contraintes économiques furent décidées mi-mars, ce qui signifie que dès fin avril certaines PME seront déjà en sérieuses difficultés et l’outil créateur de richesse commencera, sauf mesures complémentaires, à se détruire dès le mois de mai.
Rappelons ici trois évidences : la première est que la production dépend directement de la demande, et la demande dépend directement de la production au travers des revenus que cette dernière génère. Aussi une reprise dépend de trois facteurs essentiels : la confiance dans l’avenir pour que la demande et/ou la production augmentent, le crédit pour satisfaire le besoin de liquidité permettant à la demande et/ou à la production d’augmenter, et un outil de production opérationnel pour que le cercle vertueux puisse s’engager totalement. La deuxième est que chaque secteur à besoin de chaque secteur : même un hôpital a besoin pour fonctionner d’entreprise de livraison, de blanchisserie, de plomberie, d’électricité, d’informatique, de fabrique de textiles, de verre, de plastique ou de papier, et chacune de ces entreprises ou fabriques a besoin de toutes les autres pour elle-même fonctionner. Enfin la troisième est que sans revenus, sans recettes fiscales, sans cotisations sociales, toute intervention étatique, tout service public, toute prestation sociale devient impossible.
En bref, sans échange, tout s’arrête y compris les services publics, la création monétaire, les prestations sociales et l’action étatique. Toute activité économique, même réduite, est donc indispensable.
Nous avons toutefois la chance d’être dans une économie solide. Grâce à son tissu économique efficace, la Suissesse connait un taux de chômage bas, un endettement public faible et pas de déficit structurel. Cette situation offre ainsi à notre gouvernement une marge d’intervention que d’autres états n’ont pas, même si nous dépendons en partie des exportations. Si nous comprenons et soutenons les mesures sanitaires actuelles et sans disserter sur le potentiel choix entre Aujourd’hui et Demain, il n’en demeure pas moins que les restrictions économiques ne peuvent qu’être limitées dans le temps et qu’il est essentiel d’éviter toute déliquescence ou destruction du tissu économique. Une entreprise fermée l’est définitivement. Tout en respectant les consignes sanitaires, il nous paraît important que chacun continue, lorsque cela est autorisé et possible, à faire son travail, continue d’échanger, continue de régler ses obligations au mieux, afin de maintenir notre tissu économique en vie le plus longtemps possible, ceci dans l’objectif qui nous semble vertueux de préserver l’Après mais aussi de soutenir tous ceux qui sont maintenant privés d’activité, l’action des autorités et le financement des services publics y compris le système de santé.